vineri, 2 octombrie 2015

De l(’in)convénient d’être Roumain


Corrompu, voleur, mendiant, pauvre, autant d’adjectifs qui dressent, si maladroitement, si rapidement, si malheureusement le portrait du Roumain d’aujourd’hui.  Encore plus s’il vit à l’étranger, encore plus s’il est résigné à une étiquette irrémédiable à laquelle il ne saurait se soustraire. Un champ lexical angoissant invitant presque à une remise en cause existentielle de soi, à un questionnement profond sur son sort maudit, si répandu dans la psychologie populaire roumaine. Le Roumain est-il réellement maudit de naissance, condamné à porter ce lourd héritage d’un passé qui ne passe toujours pas ? Car en 1945 lorsque Staline et Churchill se partageaient l’Europe à Yalta, la Grèce revenait à l’Occident et la Roumanie, quant à elle, était contrainte à un destin impossible à contourner. Un demi-siècle de rude communisme dont elle était encore loin d’en mesurer la portée. « L’enfer c’est les autres » mais quand les autres me jettent en enfer, n’est-ce finalement pire ?

25 ans après la chute du communisme il reste, très clairement, beaucoup à faire pour rattraper les grandes démocraties occidentales. Mais ce n’est ni en constamment remettant en cause l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, ni encore moins en questionnant son destin européen (déjà toujours acquis) que les progrès les plus significatifs se feront. Si l’adhésion a été réalisée, ce n’est ni par promesse, ni par pitié et encore moins par encouragement. C’est pour les uns le retour à une Europe unie, le rêve européen (re)trouvé, la soif d’une nouvelle page historique, irréversible et démocratique enfin exprimée. C’est pour les autres la poursuite d’un projet européen que les pères fondateurs voyaient se répandre au-delà des six membres. Ce sont les retrouvailles d’une famille reportées par l’histoire. Sans doute beaucoup mais pas trop. Car il n’est jamais trop tard de retrouver l’autre, de l’aider, de s’intéresser à lui, de chercher à le comprendre, de savoir qui il est réellement, au-delà des clichés, au-delà de son passé. Car il vaut mieux tard que jamais.

Bien qu’elle demeure dans l’ombre et bien qu’il faille garder à l’esprit son passé, l’histoire s’écrit au présent. La Roumanie, pays extrêmement riche aussi bien matériellement que spirituellement, a été déchirée par un des régimes communistes les plus rudes de toute l’Europe de l’Est. Economiquement suffoquée à l’intérieur par un dictateur mégalomane obsédé par le remboursement en intégralité de la dette extérieure du pays et culturellement inféconde avec un régime de dissidence impossible à éclore et une intelligentsia partie se produire essentiellement à Paris, la Roumanie n’a pratiquement eu aucune chance. Condamnée et résignée, il ne lui restait qu'à survivre. Survivre au mieux, survivre le moins indignement possible.

C’est pourquoi, aujourd’hui encore, il faut laisser du temps au temps. Emil Constantinescu, ancien président de Roumanie, a d’ailleurs raison de faire la distinction entre d’une part des institutions et des pratiques démocratiques que tous les pays de l’Union européenne possèdent par définition en accord avec les critères de Copenhague et d’autre part, une culture politique de la démocratie. Et pour intégrer cette dernière, il faut certainement laisser du temps aux mentalités qui ont besoin d’une autre génération pour se remodeler, changer de perspectives, retrouver des repères perdus.  Car si on se permet un bref rappel, la Roumanie adoptait en 1866 sa première constitution à proprement parler –  suite à l’Union des principautés Roumaines – sans intervention extérieure et faisant ainsi le premier pas vers la séparation des pouvoirs et l’obtention des droits et libertés des citoyens dans la monarchie de Carol Ier de Hohenzollern. Où serait politiquement la Roumanie aujourd’hui sans un implacable régime dictatorial qui l’a plus que brièvement traversée et longuement marquée ? Ou serait la Roumanie économiquement aujourd’hui si elle avait pu, elle aussi, bénéficier du plan Marshall ? On ne saurait oser y répondre car l’histoire n’écrit pas au conditionnel passé.

La Roumanie, on ne la connait pas ou très/trop peu et souvent, hélas, ce n’est pas le pays vers lequel on tend naturellement en premier lieu. Apparemment, l’histoire de ce pays commencerait et s’arrêterait en 1989, à la télévision, avec une révolution. Généralement, on n’en sait pas davantage car le vide a laissé passer les années. Si seulement ceux qui s’y intéressaient étaient plus nombreux, si seulement on s’intéressait davantage à ce pays, sans doute serions-nous très surpris...si seulement. Si seulement nous étions plus nombreux à y faire un voyage, à lire un auteur Roumain d’expression française, à écouter un compositeur Roumain peut-être découvririons-nous une terre inconnue, un univers lointain et pourtant si proche. Si seulement...

8 ans après son adhésion, le statut de « nouveau pays membre » semble obsolète, de sorte que la relation avec la Roumanie mérite d’être envisagée à partir d’angles plus prometteurs comme celui de garant de stabilité dans la région, comme partenaire économique stratégique, comme corollaire de la francophonie, bref comme un espace riche en potentiel de tous genres.  Faire la part des choses et garder le sens des proportions s’avère essentiel dans un monde où les amalgames et les analyses réductionnistes hypothèquent la vraie nature des problèmes ainsi que la diversité des opportunités pour tous ceux qui veulent aller au-delà. Au-delà des clichés, des préjugés, pour une approche plus ouverte, pour de nouvelles perspectives, pour un futur meilleur.

Un article signé Alexandra Marinescu
Etudiante à Sciences Po Paris, Master "Affaires européennes"